Les hernies et éventrations abdominales sont des pathologies fréquentes, dont la cure chirurgicale fait partie de la pratique courante de tout chirurgien viscéral. Néanmoins, elles demeurent, pour le patient, une source potentielle d’inconfort et de complications post-opératoires ce qui impose un opérateur entraîné et la maîtrise des différentes techniques opératoires.

L ’abord cœlioscopique a bénéficié de la technologie des biomatériaux et des procédés de fixation intrapéritonéale. En effet, le développement des prothèses dites «bifaces», pouvant être interposées en intra-abdominal et des appareils d’agrafages type Sorbafix, ont permis une facilitation du geste opératoire et une meilleure optimisation des résultats. Ainsi, les douleurs post-opératoires et le risque d’infection prothétique et de récurrence, ont sensiblement diminué, en comparaison de la technique "à ciel ouvert". Notre étude a pour but de démontrer la faisabilité et le gain spécifique à la technique cœlioscopique. En sont exclues les hernies inguinales et crurales.
MÉTHODE
Notre description porte sur un patient de 63 ans, présentant une volumineuse hernie de la ligne blanche, avec un BMI à 32 %, aux antécédents d’HTA, de diabète type 2 et d’appendicectomie, pour abcès appendiculaire, en 1992. Le diagnostic positif comprend, outre l’interrogatoire et l’examen clinique, une TDM abdominale et pariétale, permettant la mesure exacte de l’orifice herniaire et de déterminer la taille de la prothèse; la recherche d’autres orifices herniaires et la recherche de pathologies associées pouvant être traitées concomitamment. (1)
Préparation préopératoire
Le bilan préopératoire associe les bilans sanguins et cardiovasculaire standard et la pratique d’une EFR. La préparation préopératoire est systématique, avec traitement de toute lésion cutanée en regard de la hernie: préparation générale par une antibiothérapie prophylactique, lavage colique et anxiolytique. Rasage complet et toilette soigneuse, la veille et le matin de l’intervention.
1er temps:
Installation et mise en place des trocarts Le patient est placé en décubitus dorsal, le bras gauche le long du corps. Le sondage urinaire est inutile mais une sonde nasogastrique sera, systématiquement, mise. La position de l'opérateur et l'emplacement des trocarts sont déterminés par le siège de l'éventration. Dans notre cas, ils sont à gauche du patient. Le 1er trocart est placé dans le flanc gauche, en open coelio. Insufflation et mise en place de deux trocarts de 5 mm du même coté, en respectant les règles de triangulation. Un troisième trocart de 5 mm est mis à l’opposé, à droite, pour finaliser la fixation de la prothèse, par les tackers. On utilise une optique de 0°. (2)
2ème temps: Exploration
Souvent, l’insufflation réduit spontanément le contenu herniaire; mais, on peut, éventuellement, s’aider de manœuvres externes. Si la réduction n’est pas obtenue, une adhésiolyse prudente est faite, de préférence aux ciseaux, en évitant, autant que possible, l’électrocoagulation, car le risque de plaies digestives n’est pas négligeable et l’effraction passe souvent inaperçue.(3) Le ligament rond est électrocoagulé et sectionné, pour ne pas gêner la fixation de la prothèse. La résection du sac herniaire est inutile, car elle peut traumatiser la peau. Le muscle est laissé ouvert (Tension Free). (4)
3ème temps: Mesure de la taille de la prothèse
Il nous faut prévoir un débord de 5 cm de la prothèse, par rapport à toutes les limites de l’orifice herniaire. On réalise, alors, le marquage cutané des 4 points cardinaux de fixation de la prothèse. Il s’agit d’une prothèse double face, dont l’une, pariétale, est faite de polypropylène et l’autre, viscérale, est soit résorbable (acide hyaluronique, type PARIETEX), soit non résorbable (PTFE, type Composix). Les prothèses bifaces en PTFE sont les plus utilisées, car elles ont le plus faible pouvoir adhésiogène. (5)
4ème temps: Préparation de la prothèse
Quatre fils non résorbables décimale 0 sont passés sur les points cardinaux de la prothèse et leurs chefs laissés volontairement longs afin d’être noués en transmusculaire. La prothèse est ensuite enroulée et introduite dans la cavité abdominale par le trocart de 10 mm. Grâce à sa mémoire de forme, elle se déroule dans l’abdomen et se positionne en regard de l’orifice herniaire, face pariétale vers le haut (les prothèses bifaces ont un marquage spécifique, permettant la distinction des faces pariétales et viscérales)
5ème temps: Fixation de la prothèse
Passage transmusculaire des fils à l’aiguille de Reverdin. On dégonfle l’abdomen, puis les fils sont noués à l’extérieur. Après ré-insufflation, la fixation de la prothèse est complétée par la mise en place, en couronne, d’agrafes résorbables (type Sorbafix), espacées de 2 à 3 cm. (6)
6e temps:
Exsufflation et fermeture de l’orifice de 10 mm, à l’aiguille de Reverdin. Fermeture des différents abords cutanés. On ne draine pas l’abdomen. La poche herniaire est comprimée par des compresses enroulées en boule et maintenues par un bandage élastique. Contention post opératoire, pour réduire le risque de sérome. (7)
RÉSULTATS
Entre 2013 et 2014, nous avons opéré 23 patients (14 femmes et 9 hommes); la majorité avec un collet herniaire compris entre 3 et 10 cm. Un seul patient présentait une éventration latérale, avec un orifice mesuré à 13 cm.
Tous les patients ont eu une prothèse biface en PTFE, fixée par 4 ou 6 points transmusculaires et une couronne de tackers résorbables.
L’âge varie entre 28 et 82 ans (moyenne à 55 ans),
Durée opératoire entre: 75 – 150 min (moyenne 112 min),
Durée d’hospitalisation: 24 à 72 heures,
Conversion en laparotomie: 2, secondaires à des adhérences importantes et un contenu herniaire irréductible,
Mortalité: 0,
Morbidité: Iléus post opératoire: 5, Sérome: 2, Douleurs post-opératoires persistantes: 1, Infection prothétique: 0,
Taux de Récidives: 0,
Recul moyen: 2 ans.
CONCLUSION
L’indication de l’abord cœlioscopique des hernies pariétales et des éventrations dépend, essentiellement, du diamètre de l’orifice herniaire et de l’importance des adhérences abdominales. Certaines complications sont propres à cette voie. Ce sont les douleurs postopératoires persistantes (3%), dues au passage transmusculaire des fils et les séromes, survenant dans 7% des cas, qui se résorbent spontanément et dont la fréquence diminue, grâce à la contention post-opératoire. (8)
Cependant, le gain apporté, en termes de durée d’hospitalisation, d’infection prothétique et de récidive herniaire, est significatif. De ce fait, nous préconisons l’utilisation de l’abord cœlioscopique, pour toutes les hernies abdominales et les éventrations de «première main», dont l’orifice serait inférieur à 10 cm, à condition d’appliquer une technique standardisée:
- Le sac herniaire est laissé en place,
- Le plan musculaire est maintenu ouvert (prévenir le radiologue en cas d’échographie, car il risque de confondre avec une récidive),
- Prothèse intrapéritonéale biface, fixée par des points trans-musculaires, renforcés par des tackers résorbables. (9)
Bibliographie
(1) Guidelines for laparoscopic treatment of ventral and incisional abdominal wall hernias (International Endohernia Society (IEHS)—Part 1 R. Bittner, J. Bingener-Casey, U. Dietz, M. Fabian, G. S. Ferzli, R. H. Fortelny, F. Köckerling, J. Kukleta, K. LeBlanc, D. Lomanto, M. C. Misra, V. K. Bansal, S. Morales-Conde, B. Ramshaw, W. Reinpold, S. Rim, M. Rohr, R. Schrittwieser, Th. Simon, M. Smietanski, B. Stechemesser, M. Timoney, P. Chowbey Surg Endosc. 2014; 28(1): 2–29. Published online 2013 October 11. doi: 10.1007/s00464-013-3170-6
(2) Laparoscopic incisional and ventral hernia repair Amrit Pal Singh Bedi, Tahir Bhatti,* Alla Amin,* and Jamal Zuberi J Minim Access Surg. 2007 Jul-Sep; 3(3): 83–90.
(3) Laparoscopic incisional and ventral hernioplasty: Lessons learned from 200 patients. LeBlanc KA, Whitaker JM, Bellanger DE, Rhynes VK.Hernia. 2003;7:118–24.
(4) Laparoscopic tension-free repair of anterior abdominal wall incisional and ventral hernias with an intraperitoneal Gore-Tex mesh: Prospective study and review of literature. Aura T, Habib E, Mekkaoui M, Brassier D, Elhadad A. J Laparoendosc Adv Surg Tech A. 2002;12:263–7.
(5) Medium-term follow-up confirms the safety and durability of laparoscopic ventral hernia repair with PTFE. Eid GM, Prince JM, Mattar SG, Hamad G, Ikrammudin S, Schauer PR. Surgery. 2003; 134:599–603-4.
(6) Tensile strength of mesh fixation methods in laparoscopic incisional hernia repair. van't Riet M, De Vos van Steenwijk PJ, Kleinrensink GJ, Steyerberg EW, Bonjer HJ. Surg Endosc. 2002; 16:1713–6.
(7) Seroma in laparoscopic ventral hernioplasty Tsimoyiannis EC, Siakas P, Glantzounis G, Koulas S, Mavridou P, Gossios KI. Surg Laparosc Endosc. 2001; 11:317–321
(8) Postoperative complications after laparoscopic incisional hernia repair. Berger D, Bientzle M, Müller. A Surg Endosc 2002; 16:1720-1723.
(9) Minimal Adhesions to ePTFE Mesh After Laparoscopic Ventral Incisional Hernia Repair: Reoperative Findings in 65 Cases Richard H. Koehler, MD, Dennis Begos, MD, Dieter Berger, MD, Steve Carey, MD, Karl LeBlanc, MD, Adrian Park, MD, Bruce Ramshaw, MD, Roy Smoot, MD, and Guy Voeller, MD JSLS. 2003 Oct-Dec; 7(4): 335–340.
Dr M. H. Mebarek, Chirurgie générale
CMCU Cité Garidi 2, Kouba Alger
cabinetdrmebarek@gmail.com
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